Voici plusieurs jours que le carnaval s’est terminé et la vie a repris son cours à un rythme moins exalté. Sensible à la chaleur humide caractéristique de la saison, je profite des premières lueurs matinales pour visiter la ville. Barranquilla est la quatrième ville la plus peuplée de Colombie, après Bogota, Medellin et Cali. Sa situation géographique privilégiée lui a permis de développer son activité commerciale, bien que l’industrie y soit également importante.

Le tourisme est aussi l’un des principaux secteurs économiques. Il vise essentiellement le domaine des affaires bien que les périodes de carnaval et de fin d’année y soient aussi propices.

Un peu d’histoire…

La fondation de la ville remonte à 1626. Pourtant, l’endroit était habité bien avant par les Indiens Camachos, qui ont alors subi le système d’encomienda de l’époque – en compensation pour les services d’un colon, la Couronne permettait à celui-ci de disposer de certaines terres et des indigènes y étant installés.

Plus tard, en 1813, la population de Barranquilla prend part au mouvement indépendantiste, du côté duquel se trouvait le général français Pierre Labatut, et remporte la victoire. De 1815 à 1821, la ville se trouve de nouveau sous les ordres de la Couronne, qui est ensuite définitivement expulsée du territoire.

Joe Arroyo, célèbre chanteur de Salsa Colombienne, raconte l'histoire de la rébellion des esclaves Noirs dans la région :

Source : Vue de Barranquilla et du Rio Magdalena, 1884, BNF/Gallica

C’est au XIXe siècle que la ville prend de l’importance grâce au développement de la navigation à vapeur sur le fleuve Magdalena, à des fins commerciales. Au milieu du XIXe siècle, elle rivalise avec Carthagène des Indes et prétend accroître son activité économique dans le commerce maritime. Commence alors une période d’investissement dans les progrès techniques : une ligne de chemin de fer en 1871, l’installation d’une des premières lignes téléphoniques de Colombie en 1885 et la construction d’une des jetées les plus longues du monde, à Puerto Colombia, en 1893.

En 1910, Barranquilla devient définitivement la capitale du département de l’Atlántico. La ville ne se contente pas du commerce fluvial et maritime et mise sur l’aviation dès 1925. Il est clair que Barranquilla jouit lors de cette première moitié du XXe siècle d’une grande expansion économique menant à une croissance démographique. Cette tendance sera malheureusement inversée plus tard. Plusieurs plans d’action de restructuration et modernisation ont été mis en place au cours de ce dernier siècle afin
de rendre à Barranquilla sa place de ville stratégique au sein du pays.

Source : Puerto Colombia, 1920,

Visitons la ville...

Le Paseo Bolívar est l’avenue la plus importante de la ville, car c’est de là que cette dernière s’est petit à petit agrandie. La statue de Simon Bolivar en domine l’extrémité Nord. Non loin de là se trouve l’église San Nicolás. Peu importe notre religion, elle vaut vraiment le détour. Son architecture néo-gothique, rehaussée de tons chauds, est tout à fait captivante. Mais on ne peut pas non plus visiter Barranquilla sans passer par le quartier Abajo, pittoresque et bariolé. Ses habitants souhaitent qu’il fasse partie des biens culturels de la Nation. Peut-être pour bientôt ?

Source: Eglise San Nicolas, Barranquilla,Juanerre

Un peu plus loin, en allant vers le quartier El Prado, nous trouvons un important centre culturel qui accueille les principaux événements de la ville. Il s’agit du théâtre Amira de la Rosa, du nom de la poétesse et dramaturge, autrice des paroles de l’hymne de Barranquilla.

El Prado a été érigé lors de la période la plus prospère de la ville, au début du siècle dernier. Il est plaisant d’y admirer les maisons datant de l’époque républicaine, qui reprennent plusieurs styles : le néoclassicisme, le baroque tardif et le néo-méditerranéen.

Source : Jardin de Recuerdo (Jardin du Souvenir), El Prado, JdVillaLobos

Mais, ne nous méprenons pas, vous trouverez également des bâtiments de style moderne à Barranquilla, avec notamment l’influence de Le Corbusier, qui y a d’ailleurs séjourné, lors d’un voyage à la fin des années 40.

Si, comme moi, vous êtes sensible à la petite histoire comprise dans l’Histoire, rendez-vous au Museo Romántico, du quartier El Prado. Il regorge de véritables trésors, tels que des lettres de Simon Bolivar ou une machine à écrire ayant appartenu à Gabriel García Márquez.

Source : Plaza de la Aduana, Colombie, Jdvillalobos

Sur la Plaza de la Aduana, l’ancien bâtiment des douanes, construit en 1919, est représentatif de la splendeur que le commerce a conféré à la ville. Il abrite maintenant la bibliothèque de la Caraïbe, les archives historiques du département et un centre de documentation. Le bâtiment de l’Intendencia fluvial date de la même époque. Après un magnifique travail de restauration, faisant partie du plan d’action lancé par la ville, il accueille actuellement le Secrétariat de la Culture. Des expositions artistiques y sont organisées régulièrement.
Nous sommes à quelques pas de l’Avenida del Río. Il s’agit de l’une des promenades préférées des habitants de Barranquilla, située sur les berges du fleuve Magdalena.

Il est vrai qu’au cours de ma visite de la ville, j’ai pu remarquer d’anciens bâtiments à l’architecture intéressante, qui étaient malheureusement laissés à l’abandon. Il faut dire qu’il y a quelques années encore, le centre-ville tombait dans la déchéance. Cependant, il me semble important de reconnaître ici l’effort réalisé tant par la municipalité que par l’administration départementale afin de récupérer ce patrimoine historique et architectural. Au-delà de la restauration des bâtiments, la tâche est évidemment plus complexe, la composante sociale ne pouvant nullement être exclue des différents plans d’action, qui seraient alors voués à l’échec.

Source : Baranquilla, Colombie, Daniel Cardona

L’architecture hétéroclite de Barranquilla est à l’image de sa population. Les différentes communautés de l’Atlántico sont l’essence même de ce département caribéen.

Je vous propose de partir à leur rencontre prochainement...

En attendant, nous vous offrons ce petit clin d'oeil musical à Barranquilla avec ce classique de la Salsa Colombienne signé Joe Arroyo "En Barranquilla Me Quedo" :