Le 27 Décembre 1831 à Plymouth, situé sur la côte Sud-Ouest de l' Angleterre, embarque Charles Darwin, un jeune naturaliste de 22 ans, fraîchement diplômé de Cambridge qui se destinait à devenir pasteur. Il se trouve alors sous les ordres de FitzRoy, un Capitaine de la Marine Nationale de quatre ans son aîné. Ce voilier, le HMS Beagles (His Majesty's Ship Beagles), compte à son bord 76 hommes d'équipage, sans compter les passagers. Il est affrété par l'Amirauté Britannique afin de cartographier l'Amérique du Sud et notre jeune Darwin a pour mission de récolter des échantillons de la flore et de la faune, ainsi que d'observer les formations géologiques. Ces destinations et ses découvertes révolutionnèrent à terme la vision de notre Monde et révéleront un scientifique à l'esprit brillant et à l'intelligence rare...

Durant ce "voyage d'un naturaliste autour du monde", nous omettrons volontairement les destinations qui précèdent et qui succèdent à cette aventure américaine...

En 1831 les réflexions sur l'évolution des espèces selon leur environnement font déjà des émules, grâce notamment aux travaux scientifiques de Buffon, Maupertuis et Lamarck, mais ce ne sont encore là que des hypothèses qui seront renforcées par la suite avec cette nouvelle expédition dans laquelle se lance le Beagles...

Malgré le temps lugubre et le chagrin de laisser derrière lui sa famille, Charles avait bien l'intention de se lancer dans cette aventure exaltante, vaille que vaille. Il ne se doutait pas qu'il partirait pour cinq ans sous ces nouvelles latitudes, le voyage étant prévu pour durer deux années originellement.

Deux mois après son départ, Charles Darwin accoste dans le port de Bahia, et s'apprête à découvrir la forêt tropicale Brésilienne. Une telle profusion d'espèces, insectes, plantes, animaux, le comble de joie mais il est une ombre à son tableau : l'esclavage. Il ne supporte pas de voir les conditions de vie de ces êtres humains et son opposition à cette pratique abjecte lui vaut même une violente dispute avec le Capitaine FitzRoy.

Au début du mois d'Avril 1832 le Beagles fait son entrée dans le port de Rio de Janeiro, Darwin s'enfonce dans les terres quelques jours puis s'installe dans la baie de Botafogo à Rio de Janeiro.

Crédits photos :

Rio de Janeiro, 1910, Agence Rolls / BNF / Gallica.fr

Rio do Janeiro, 2009, Frank Kehren

Au commencement du mois de Juillet, le navire arrive à Montevideo, Uruguay. Pendant que le navire explore les côtes, notre jeune naturaliste se livre à quelques explorations. Il trouve à Punta Alta des ossements de grands mammifères disparus et fait la connaissance des "Cow-Boys" d'Amérique du Sud : "les Gauchos", qui arpentent la Pampa. Il offrira de ceux-ci une description détaillée dans les divers ouvrages qui parurent pour narrer, étudier et illustrer cette expédition dans ses moindres détails.

Sources :

Montevideo, carte topographique 1867 Gallica.fr/BNF

Montevideo, Mars 2007, Vince Alongi

Après Terre de Feu, le navire prend la direction des Îles Falkland. Sur celles-ci, Charles Darwin remarque une différence notoire entre les espèces endogènes et celles vivants sur le continent.

Carte géologique de la Patagonie et de la Terre de Feu, 18..

Source : Gallica.fr

Source : Laguna Esmeralda, Terre de Feu, 2018 par Deensel

Source : Volunteer Point, Falkland, 2013, Moonshiner69

Cette période lui permet d'explorer l'intérieur des terres et de se livrer à de nombreuses observations. Il vit parmi les "Gauchos", ces experts du Lasso et des "Bolas", toujours armés d'un grand poignard à la taille, autant aimables que dangereux. Il explore la Pampa et se nourrit de ces paysages à couper le souffle...

Source : Étude topographique de la Pampa et du Rio-Negro, 1880, Olascoaga Manuel BNF/Gallica.fr

Source : Rio Negro, 2013, Santiago Antonio Castro

Le 6 Décembre 1833 le Beagles quitte le Rio de la Plata et fait route vers la Patagonie. Un soir, Darwin et les membres d'équipages se retrouvent entourés, à perte de vue, d'une nuée de papillons et de quelques insectes. Fait surprenant, il trouva même, à plus de 27km des côtes, des scarabées qui s'étaient pris dans un filet qu'il avait jeté sciemment dans le sillage du bateau.

Le 23 Décembre il fait escale à Port-Désire (Puerto Deseado). Il existe aussi un port sur l'autre côte de la Patagonie. Son nom, Port Famine (Puerto Del Hambre), évoque le massacre de centaines de colons et deux rescapés furent pris en otages. Il témoigne des affres subies par la "Main Ferme" de l'Espagne dans ses tentatives de colonisations des autochtones.

Le navire jette l'ancre devant la baie, en face d'un vieux comptoir espagnol.

Source : Lasifashaj River, Terre de Feu, 2013, Deensel

Durant son séjour, il observe le Guanaco, un Lama sauvage, caractéristique des plaines de Patagonie et dont les habitudes sont bien particulières...

Source : Guanacos, Patagonie, 2013, Davide Zanchettin

Ses nombreuses observations géologiques sont si fortes qu'elles lui inspirent alors cette phrase : "Quelles immenses révolutions géologiques on peut lire sur cette côte si simple de la Patagonie !" *

* Cf p.184, Voyage d'un naturaliste autour du monde [...], Charles Darwin, éd C. Reinwald 1875

Mars 1834, retour aux Îles Falkland. Avec deux Gauchos il explore les environs et goûte à la "Carne con cuero", une recette de Bœuf rôti avec sa peau sur des charbons. Il y croise aussi un troupeau de chevaux sauvages.

Ils furent apportés, ainsi que le bétail, par les Français en 1764.

Source : Falkland Island, Carcass Island, 2010, Jackie Adams

Mai 1834, après avoir passé pour la seconde fois le Détroit de Magellan, le Beagles se dirige à nouveau pour mouiller dans Port-Famine dit "Puerto Del Hambre".

Source : Patagonie, Terre de Feu, 2019, Google Maps / Google Earth

Départ le 8 juin pour atteindre enfin le 10 juin le Pacifique. Ils ne rejoindront Valparaiso, l'un des principaux ports du Chili, que le 23 Juillet dans la nuit. Dès les jours suivants, il profite de la marche et du spectacle des montagnes environnantes.

Source : Plan de Valparaiso, Chili, 1851, BNF / Gallica

Source : Cerro Concepcion, Valparaiso, Chili, 2018, Deensel

Ce n'est que le 14 Août qu'il part, à cheval, en excursion géologique afin d'étudier les coquillages situés sur la base Andine. Il nous livre ainsi une belle réflexion sur la formation ces glaciers, ces langues de glace, qui descendent vers la mer...

Darwin découvre chaque jour les merveilles de cette Amérique du Sud, qui ne cessent de l'enchanter. Découverte et ascension de la montagne Quillota, voyage à l'intérieur des terres...

Source : Entre San Felipe de Aconcagua et Quillota, Chili, 1851

Admiral Edward Gennys Fanshawe, Royal Museum Greenwich

Source : San Felipe, Chili, 2018, Carless Molina

Après ses recherches dans l'intérieur des Terres, il revient à Valparaiso le 27 Septembre épuisé et malade. Il le restera jusqu'au début du mois d'Octobre. Il décrit deux espèces de Colibri dont l'une attire spécialement son attention, le "Trochilus Gigas", un colibri géant...

Source : Patagona Gigas, 2011, Arturo Nahum Wikimédia / Aves de Chile

Le 10 Novembre 1834, le Beagles s'ébranle et fait route vers l'île de Chiloé qu'il décrira comme une vaste plaine entrecoupée de collines, divisée en petites îles dans sa partie méridionale. Ils en profiteront également pour découvrir les nombreuses îles de l'Archipel de Chonos.

Source : Îles Chiloé, Chili, 2012, Kpalion

Le 23 Novembre 1834, notre jeune naturaliste observe divers volcans dont le "Famoso Corcovado", le fameux Corcovado... Il remarque aussi ces églises en bois, qui "ne manquent ni de pittoresque, ni de majesté", si spécifiques à l'île de Chiloé.

Elles sont classées de nos jours au Patrimoine Mondial de l'Humanité par l'UNESCO...

Source : Volcan Corcovado, Chili, 2008, Gérard Prins

Le 18 Décembre 1834, après une terrible tempête qui durera trois jours, le Beagles reprend la mer et part explorer l'Archipel de Chonos. Après avoir cartographié les îles, le bâtiment fait à nouveau route depuis Port Low le 15 janvier 1835 pour rejoindre l'île de Chiloé. Il jette l'ancre dans la Baie de San Carlos trois jours plus tard. Ils assistent ensuite, dans la nuit du 19 janvier, au fabuleux spectacle du volcan Osorno qui entre en éruption, fumant et brillant d'une lumière vive qui éclaire les flots.

Apprenant que le Volcan Aconcagua, situé à plus de 772km au Nord, était lui aussi entré en éruption, ainsi que le volcan Coseguina (situé à plus de 4500km au Nord de l'Aconcagua), il pressentent qu'il doit exister une communication souterraine...

Le 4 Février 1835, le Beagles met les voiles pour arriver quatre jours plus tard à Valdivia. Charles Darwin part explorer les terres où vivent ces indiens fiers, à l'air sérieux et austère. Il perçoit chez eux "une honnête rudesse ou une féroce détermination."* lui faisant penser que "Cette indépendance est sans doute la conséquence de leurs longues guerres avec les Espagnols et des nombreuses victoires que seuls, de tous les peuples d'Amérique, ils ont su remporter sur les Européens."*.

* Cf p.322, Voyage d'un naturaliste autour du monde [...], Charles Darwin, éd C. Reinwald 1875

Le 20 Février se produisit le plus violent des tremblements de terre, de mémoire d'Homme, qui ait frappé Valdivia. Aux alentours certains villageois firent état de ce que l'on ne nommera que beaucoup plus tard un "Tsunami"...

Le 4 Mars 1835, le Beagles entre dans le port de Concepcion, mais tout y est désolation. Charles est tout de suite averti qu'il n'y a plus aucune maison debout de Talcahuano à Concepcion, le tremblement de terre et la Lame de Fond s'étant conjugués pour une tragédie hors du commun. Il en profite pour étudier ces deux phénomènes colossaux...

Source :

Ruines de la Cathédrale de Concepcion après le grand tremblement de Terre de 1835

J. C. Wickham. S. Bull, Published by Henry Colburn, Great Marlborough Street, 1838, Darwin on Line

Le 13 Mars 1835, deux jours après avoir accosté de nouveau à Valparaiso, notre jeune scientifique se lance à l'assaut de la Cordillère des Andes pour l'étudier en la traversant. Il en profite pour passer par Santiago de Chili.

Source : Carte de la province de Santiago chili, 1875, H-C Gillet, BNF/Gallica.fr

Après divers préparatifs, il se lance à l'aventure et se décide à passer par la passe de Portillo pour franchir cette frontière naturelle, et se rendre à la ville de Mendoza, en Argentine. Il nous fait état de cette amabilité si commune aux Chiliens et souligne souvent l'accueil chaleureux qui lui a été fait en Amérique du Sud.

Source : De Santiago (Chili) à Mendoza (Argentine), Google Maps

En voyage, Charles aime bivouaquer en plein air. En effet, il loue souvent un champ à l'habitant, dans lequel d'un côté il s'installe et de l'autre les bêtes de sommes peuvent paître et se reposer. Il achète du bois de chauffe, prépare sa marmite, mange à la belle étoile avec ses compagnons de fortune.

Source : Laguna Negra et Embalse El Yeso, Chili, 2013, Diode

Le 27 Mars il arrive enfin à Mendoza, en Argentine, une contrée de vergers remplie de vignes, de figuiers, d'oliviers, et de pêchers grâce à un large recours à l'irrigation. L'air y est frais et transporte un doux parfum. Charles Darwin n'y reste que deux jours et repart en direction du Chili en passant cette fois-ci par la passe d'Uspallata. Il y trouve des arbres pétrifiés, transformés en Silice ou spach calcaire...

Source : Cordillère des Andes, 2011, Mariano Mantel

Le 4 Avril 1835, il franchit le pont naturel dit le Pont des Incas (Puente del Inca, actuellement il existe des sources thermales dont vous pourrez profiter si vous visitez ces régions) et poursuit sa route vers Santiago de Chili. Il arrive le 10 Avril sans pour autant quelques désagréments. En effet, durant l'une des nuits il se fera voler sa mule. Mais cette péripétie n'affectera en rien le bonheur que Charles Darwin éprouve d'avoir pu vivre au creux de ces paysages d'exceptions qu'offre la Cordillère des Andes durant vingt-quatre jours...

Source : Entre Valparaiso et Coquimbo, 2018, Patricio Novoa Quezada

Après être passé à nouveau dans la ville de Valparaiso, il prend la direction de Coquimbo le 27 Avril. Durant un peu moins d'un mois il remonte vers le nord et étudie, observe la géologie, le paysage, visite une mine où les ouvriers, les "aspires" chargés comme des bêtes de somme, portent des charges de minimum 90kg, mais pouvant aller jusqu'à 120kg, sur une hauteur perpendiculaire de 80 mètres.

Jusqu'au début du mois de Juillet 1835, il continue de remonter vers le Nord et rejoint le Beagles, après avoir visité quelques minerais, la Cordillère, une exploitation de Salpêtre.

Le 19 du mois, le Beagles entre dans le port de Callao qui dépend Lima, située à 11km, c'est la capitale d'un Pérou en pleine révolution. Dans un pays où quatre parties se disputent farouchement le pouvoir, il est conseillé à Charles de ne point trop s'éloigner des limites de la ville... Ils ne resteront que six semaines.

Source : Lima, 1825, Caldcleugh, Alexander, New York Public Library

Source : Lima, 2016, Sagitario

Source : Lima, Perou, 2016,Art DiNo

Le 15 Septembre 1835, Charles Darwin est dans l'Archipel des Galápagos. Dix îles, sous l'équateur, à l'Ouest de la côte Américaine, des volcans surgis de la mer.

Source : Google

Source : Galápagos, Équateur, 2015, Vlad Karpinskiy

Il observe vingt-huit cratères sur place. Ils sont nés d'éruptions de boues volcaniques, sans lave, ce qui leur confère une parfaite symétrie.

Source : Galapagos, Equateur, 2015, Virginie K

Source : Flamand Rose, Galápagos, 2018, Pedro Szekely

Source : Galápagos, Équateur, 2014, Matthias

C'est ici que notre voyage s'arrête, à la page 400 de son superbe ouvrage, mais c'est aussi ici que le votre commence. Cet article est une invitation à vous replonger dans l'histoire, la géographie, la zoologie, la culture, et bien d'autres choses.

Charles Darwin nous donne, dans son ouvrage " Voyage d'un naturaliste autour du monde : fait à bord du navire le "Beagle" de 1831 à 1836" Charles Darwin, éd. C. Reinwald, l'occasion unique de revivre avec lui ces aventures extraordinaires.

Source : Voyage d'un naturaliste autour du monde : fait à bord du navire le "Beagle" de 1831 à 1836"

Charles Darwin, éd. C. Reinwald, Gallica / BNF

Vous y trouverez aussi des descriptions détaillées sur les Gauchos, de leurs mœurs et coutumes, de son aversion pour l'esclavage, de ses études comparatives de la géologie, de la flore et de la faune, entre autres émerveillements...

Alors, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter bon voyage !

Source : Carte des côtes de la Patagonie et des Mers du Cap Horn, 1853

Dressée d'après les Travaux du Capitaine R. Fitz Roy BNF / Gallica