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COLOMBIE

 

Les terres ancestrales

du Cauca

Par Laura Nadine Martinez

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
20 avril 2019

Je suis arrivée dans le département du Cauca un peu plus tard que prévu, la route panaméricaine ayant été bloquée en raison de manifestations. Je tiens à revenir sur ce sujet un peu plus tard, car c’est ça aussi, la réalité colombienne.
Par ailleurs, l’ambassade de France déconseille de visiter la moitié du
département sauf raison impérative. Je resterai donc dans la capitale, Popayán, dont on m’a fortement recommandé le centre historique. J’assisterai aux célébrations de la semaine sainte, qui est très réputée.

Source : Cathédrale de Popayan, Car710

Je me trouve maintenant dans le sud-ouest du pays, région à la fois andine et pacifique puisque le département atteint le littoral. Il s’agit du département à la plus forte représentation de communautés autochtones, principalement précolombiennes, mais aussi afro-descendantes. Il existe actuellement huit ‘réserves indiennes’ habitées par les Nasa-Paéz, les Guambiano Yanaconas, les Coconucos, les Epiraras-siapiraras, les Totoroes, les Inganos et les Guanacos.

 

C’est le conquistador Sebastián de Belalcázar qui a fondé la ville de Popayán en 1537. Celle-ci a ensuite acquis une grande influence politique et commerciale au fil des ans, puis des siècles. La région a été déclarée État souverain du Cauca, en 1857, et les territoires voisins ont été placés sous son autorité. En effet, cet état comprenait les
provinces du Cauca, mais également celles de Pasto, Chocó, Buenaventura et Caquetá.

En 1886, le Cauca devient de nouveau un département, puis, vers 1910, les différentes régions reprennent leur autonomie.

Source : Popayan, Alexander Schimmeck

L’activité économique du Cauca repose principalement sur l’agriculture et l’élevage. Cependant, la présence d’or dans le sous-sol du département a attiré l’industrie minière – légale ou non – qui s’y est développée. Par ailleurs, la culture des arbustes de coca a pris une ampleur considérable, bien qu’elle soit illégale actuellement en Colombie. Malgré tout, la vente de cocaïne est une source de revenus importante pour les groupes armés, qui ont étendu la culture de la coca, bien au-delà de l’usage médicinal des feuilles que leur donnent les communautés autochtones. Selon l’ONU, le département du Cauca est le principal producteur de coca du pays.
La commune de Silvia est connue en Colombie pour l’artisanat Guambiano et Paez qui y est présenté et tente de développer son secteur touristique. Plus à l’Ouest, se trouve le parc archéologique de Tierradentro, déclaré Patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO, en 1995. Il a également été élu comme l’une des sept merveilles de
Colombie, lors du concours organisé en 2007, dans le but de promouvoir la culture et le patrimoine du pays. Il est possible de parcourir le parc à pied ou à cheval, afin d’y découvrir les principales statues de pierre, ainsi que les hypogées aux tailles et décorations diverses. La visite du musée permet d’en apprendre davantage sur ces magnifiques constructions.

Source : Volcan Puracé, Andrés Albán

Trois parcs nationaux naturels sont recensés dans le département du Cauca. Celui de l’île Gorgona, qui doit son nom au nombre de serpents qui y vivent. Situé dans l’océan Pacifique, l’île permet l’observation de baleines dans la période comprise entre juin et octobre. Deux magnifiques écosystèmes y sont représentés : celui de la forêt tropicale et celui des récifs coralliens. Lorsque le temps est dégagé, l’île est visible du haut du mont Munchique, situé dans le parc national naturel du même nom, à l’ouest de Popayán. La grande diversité de sa faune rend le parc très attrayant. Pourtant, il reste l’un des moins visités du pays du fait de son accès difficile. Finalement, le parc national naturel de Puracé semble de toute beauté. Situé au pied du volcan Puracé, on y trouve également des monts enneigés, des eaux thermales, des cascades et des lagunes. Il est malheureusement impossible de le visiter actuellement. En effet, situé sur une ‘réserve
indienne’, les représentants des communautés autochtones et ceux du gouvernement ne sont pour le moment pas arrivés à un accord concernant les visites du parc naturel.

Source : Gorgona et Gorgonilla, Aviatur

On entrevoit ici les difficultés rencontrées par l’État colombien et les communautés autochtones afin de trouver un terrain d’entente, fondé sur le respect de l’autre. Mais, pour mieux comprendre la situation actuelle, il est indispensable de revenir sur certains événements du passé. En effet, une partie du territoire du département se situe sur les terres ancestrales des communautés autochtones, qui n’ont pourtant pas été prises en compte lors de la répartition des propriétés. Nouveaux propriétaires et autochtones s’entendaient alors, par le biais d’une sorte de fermage, pour que ces derniers puissent s’installer et cultiver certains secteurs. Non sans conflits. En 1991, à Caloto, les Indiens paez, sur demande de l’entreprise ayant racheté la Hacienda El Nilo, se sont rendus à une réunion afin de discuter de l’occupation des terres. Ce qui est connu comme le Massacre d’El Nilo a alors eu lieu : un groupe de paramilitaires a ouvert le feu sur l’assistance, laissant un bilan de vingt morts parmi la communauté paez. Face à cette situation, le gouvernement a été contraint de trouver une solution, qui devait passer par la restitution de terres aux communautés autochtones. En 1999, la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme a d’ailleurs conclu que le gouvernement colombien était responsable du massacre. Cependant, en 2008, ces mêmes communautés se sont manifestées à travers des marches demandant au gouvernement de tenir ses promesses. Depuis, d’autres manifestations ont eu lieu, comme c’est encore le cas cette année. Il ne s’agit pas seulement de réclamer les terres
qui n’ont pas encore été restituées dans leur totalité, mais également de voir si elles sont
cultivables ou non, de s’assurer de la mise en place de mesures de sécurité pour les communautés et leurs leaders, victimes d’assassinats, d’enlèvements, ou obligés à s’exiler, face aux différents acteurs du conflit armé colombien. Ils demandent aussi, entre autres, une plus grande protection de l’environnement et de la biodiversité, avec le rejet des traités de libre commerce ainsi que des pratiques comme le fracking. De son côté, l’État colombien reproche aux communautés autochtones de ne pas respecter l’autorité légitime du gouvernement ainsi que de céder certaines ressources aux groupes illégaux.

Source : Tierradentro, Cauca, Colombie, Hacemeun14

Pour le moment, les négociations ne sont pas terminées. C’est dans une atmosphère de tension que la ville de Popayán s’apprête à fêter la semaine sainte qui, je suis sûre, sera à la hauteur de sa réputation.