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Thomas T. Prentis

Consul des États-Unis

à Saint-Pierre de la Martinique,

mort dans la catastrophe

du 8 mai 1902

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

par Sébastien Perrot-Minnot

Archéologue et enseignant

Vice-Président de l'Association Le Pont Des Amériques

Consul honoraire du Guatemala à Fort-de-France

et coordonnateur du Corps Consulaire de Martinique

sebastien.perrot.minnot@gmail.com

 

 

 

Photo : Cooper, W. G., 1902

 

11 février 2020

En décembre dernier, j’ai publié, sur ce site, un article sur la singulière histoire du consulat des États-Unis d’Amérique à Saint-Pierre de la Martinique (https://www.lepontdesameriques.com/blog/le-consulat-des-etats-unis-d-amerique-a-saint-pierre-de-la-martinique-le).

Des éléments nouveaux m’ont amené à consacrer un article spécifique à un personnage fameux de cette histoire : Thomas Theodore Prentis, Consul des États-Unis au « Petit Paris des Antilles » de 1900 à 1902.

Le débarcadère sur la place Bertin, à Saint-Pierre, avant la catastrophe de 1902. On remarquera le drapeau du consulat des États-Unis sur la partie centrale l’image.

Photo : Cooper W. G. / SMU Libraries / DeGolyer Library, Southern Methodist University

Né dans le Michigan, en 1844, Prentis est entré au Département d’Etat des États-Unis en 1871. Il a été consul des États-Unis aux Seychelles, à l’île Maurice puis à Rouen, avant d’exercer ces mêmes fonctions à Saint-Pierre de la Martinique à partir de 1900. Sa mission en Martinique, où l’assistait le vice-consul Amédée Testart, a été très active, notamment en raison de l’importance du commerce maritime qui existait entre la colonie française et les États-Unis. Mais en 1902, le consul Prentis, et plus encore son épouse Clara, ont exprimé leur inquiétude face aux manifestations toujours plus fortes de la Montagne Pelée, alors que les autorités coloniales s’attachaient à rassurer la population pierrotine. Thomas et Clara Prentis envisageaient leur départ de Martinique quand leur vie, et celles de leurs filles, du vice-consul Testart et de quelque 30 000 autres personnes, ont été emportées par l’éruption cataclysmique de la Montagne Pelée, ce fatidique 8 mai 1902, Jeudi de l’Ascension, un peu avant 8 heures du matin.

La famille Prentis. Photo : L. G. Stahl. Source : Garesché 1902.

A peine deux jours plus tard, le consul des États-Unis en Guadeloupe, Louis H. Aymé, s’est rendu à Saint-Pierre, où il a pu constater le désastre général et la disparition des Prentis. Aymé est alors devenu consul des États-Unis par intérim en Martinique ; il a coordonné la fouille du consulat nord-américain à Saint-Pierre (avec une autorisation spéciale du gouvernement colonial, les fouilles ayant été interdites dans la ville martyre), la recherche des restes du défunt consul et l’aide considérable apportée par son gouvernement aux sinistrés de la Martinique.

Source : View of St. Pierre 1902, Martinique, after eruption of Mt. Pelee, Cooper W. G. / SMU Libraries

DeGolyer Library, Southern Methodist University

D’après des articles de presse et des livres de l’époque (dont l’ouvrage publié en 1902 par William A. Garesché, ancien consul des États-Unis à Saint-Pierre, sur les catastrophes volcaniques de la Martinique et de Saint-Vincent), les restes de Thomas T. Prentis auraient été retrouvés par des militaires américains de l’USS Potomac le 19 mai 1902. Ils auraient ensuite été transférés dans un cimetière de Fort-de-France, où ils auraient été inhumés avec les honneurs, au cours d’une cérémonie conduite par le consul Aymé et des officiers américains. J’ai rapporté cette version dans mon article sur le Consulat des États-Unis à Saint-Pierre. Cependant, les recherches entreprises (y compris, par l’auteur de ces lignes) pour localiser la supposée tombe de Prentis demeuraient infructueuses, et il pouvait paraître étonnant qu’une telle tombe ait pu sombrer dans l’oubli, alors même que les États-Unis avaient nommé un consul à Fort-de-France dès juin 1902 (mettant fin à l’intérim d’Aymé) …

La réponse à ce problème m’a été apportée, tout récemment, par une lettre de Louis H. Aymé qui avait échappé à bien des investigations sur le consul Prentis. Dans cette lettre datée du 21 juillet 1902, et adressée au Département d’Etat, on peut lire ces phrases édifiantes : « It is a matter of deep regret to me that I could not succeed in rescuing the remains of our late consul nor any of the archives of the consulate. All were buried under many feet of volcanic mud and ejecta » (« Je regrette profondément de ne pas avoir réussi à récupérer les restes de notre défunt consul ni aucune des archives du consulat. Tous ont été enfouis sous des pieds de boue et d’éjectas volcaniques »). Ce témoignage étant évidemment digne de foi, il faut se rendre à l’évidence : l’histoire de l’inhumation de Prentis à Fort-de-France est une légende ou une mystification, et les restes de l’infortuné consul sont toujours à Saint-Pierre.

Mais où, à Saint-Pierre ? Une photo montre des militaires de l’USS Potomac en train de fouiller les ruines du consulat des États-Unis, à la recherche du corps de Prentis, en mai 1902 ; le consulat était situé à l’angle des rues Bouillé et Lucy (aujourd’hui, à l’angle de la rue Gabriel Péri et de celle du Général de Gaulle), face à la place Bertin, et donc, tout près du bord de mer. Toutefois, le consul a pu aussi périr dans sa résidence, où l’industriel et homme politique Fernand Clerc aurait déclaré l’avoir vu le matin du 8 mai, peu de temps avant l’éruption. Clerc lui aurait alors conseillé de fuir immédiatement la ville de Saint-Pierre. En vain.

Fouille des ruines du consulat des États-Unis à Saint-Pierre par l’équipage de l’USS Potomac, en mai 1902. Photo : Judge Co. Source : Leslie's Weekly, 12 juin 1902.

Thomas T. Prentis sera honoré par l’American Foreign Service Association et le Département d’Etat, et en 1935, l’ingénieur et volcanologue américain Frank Alvord Perret lui dédiera un mémorial à Saint-Pierre.

Mémorial dédié par Frank A. Perret au consul Thomas T. Prentis, au musée volcanologique

de Saint-Pierre (futur Musée Frank A. Perret), en 1935. Photo : American Foreign Service Association.

Références

American Foreign Service Association

1929 « Foreign Service Honor Roll ». In: The American Foreign Service Journal, VI (1): 22.

1933 « Erected by Members of the American Foreign Service Association in Honor of the Diplomatic and Consular Officers of the United States Who While on Active Duty Lost Their Lives under Tragic or Heroic Circumstances ». In: The American Foreign Service Journal, X (4): 155.

1935 « Memorial to Consul Prentis ». In: The American Foreign Service Journal, XII (5): 306.

Colket, Meredith B., Jr.

1943 “The Preservation of Consular and Diplomatic Post Records of the United States”. In: The American Archivist, 6 (4): 193-205.

Garesché, William A.

1902 Complete story of the Martinique and St. Vincent horrors. Monarch Book Company. Chicago.

House of Representatives

1903 Papers Relating to the Foreign Relations of the United States with the Annual Message of the President Transmitted to the Congress, December 2, 1902. Government Printing Office. Washington.

McComb, Arthur

1954 “A Consular Appointment of 1900”. In: The New England Quarterly, 27 (3): 382-388.

Morris, Charles

1902 The Volcano's Deadly Work: From the Fall of Pompeii to the Destruction of St. Pierre. W. E. Scull. Washington.

Perrot-Minnot, Sébastien

2019 « Le consulat des États-Unis d’Amérique à Saint-Pierre de la Martinique, le « Petit Paris des Antilles » (1790-1902) ». In: Le Pont des Amériques, 19/12/2019 :https://www.lepontdesameriques.com/blog/le-consulat-des-etats-unis-d-amerique-a-saint-pierre-de-la-martinique-le

The St. Paul Globe

1902 « Consul disregarded a warning ». In: The St. Paul Globe, 18/05/1902: 8.